Bernard Noël
Le roman d’Adam et Ève
Du temps passa, comme je l’ai dit. L’énigme posée par les envois de Jean devint obsédante, faute d’autres nouvelles et aussi parce qu’elle réveillait de vieilles préoccupations. J’entrepris de relire la Bible, et à tous ceux que je rencontrais, je parlais de la Genèse. Ainsi vérifiai-je que chacun la visualise à sa façon : jetez les noms d’Adam et Ève, vous obtiendrez aussitôt un récit parfaitement représentatif de votre interlocuteur, en vérité son portrait mental.
Le narrateur du Roman d’Adam et Ève rencontre fortuitement un photographe entraîné en Russie pour découvrir la résurrection d’un paradis que Staline aurait fait édifier comme un tableau vivant de l’idéologie communiste. Quelques signes photographiques de cette enquête lui parviennent par éclipses jusqu’au silence définitif. Le destin du narrateur va consister à essayer de comprendre cet élan vers l’inconnu. Il est alors tentant de réduire le roman à une fable savante sur les conceptions du paradis en Occident : à un univers parfait, dont l’homme est déchu, a succédé un monde aux lendemains qui chantent. Si le photographe s’est mis en marche derrière le visible, c’est le leurre de tout paradis extérieur qu’il fait découvrir au narrateur : le paradis n’est qu’en l’homme, il est donc un enfer. Son roman est le récit de cette désillusion car le monde est sans échappatoire. Et il convient d’assumer cette situation ou de vivre dans le semblant.
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800 exemplaires sur vélin de Kiev.
25 euros.