2010 ‒ 72 pages ‒ 12 x 21 cm ‒ ISBN 978.2.85194.767.3
Je me perdis vite dans le désordre des pièces : dans l’une, quatre enfants dormaient dans des lits superposés, leurs petites têtes émergeant à peine des draps et des entassements de peluches ; dans une autre, une vieille femme ronflait, blottie dans un étroit lit de fer poussé contre le mur ; plus loin encore, c’était un couple, la tête de la femme nichée au creux de l’épaule de l’homme, le drap mauve repoussé, révélant un sein blanc à la large aréole rosâtre, laiteux contre la poitrine plus sombre sur laquelle il reposait.
L’ambiguïté apparaît chez Jonathan Littell comme une profession de foi : le verbe construit un labyrinthe au jeu de miroirs infini, une chorégraphie à la nonchalance tragique où le mot, si minutieux soit-il, ne décrit toujours que les contours d’une brume. Nous en sommes quitte pour une plongée vertigineuse dans un imaginaire sans illusion.
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20 exemplaires numérotés sur chiffon de Montjuic.
96 euros.
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980 exemplaires sur vélin.
14 euros.
Dans la presse...
Dans la presse
L’express, le 12 août 2010 par Baptiste Liger :
Loin des Bienveillantes, Jonathan Littell signe un microroman labyrinthique sur la difficulté de trouver le repos.
Essayer de lire ou de se reposer dans le jardin n'est pas forcément aisé lorsque des enfants courent autour de vous, en criant et riant - ces mêmes petits diables qui, à table, ne peuvent s'empêcher de renverser leurs verres... C'est ce que pense le narrateur d'En pièces, peinant à trouver ici un endroit paisible. Il rentre alors dans la maison - remplie de tableaux poussiéreux, qui semblent vous regarder - promenant ses doigts "sur le papier peint couleur crème, aux motifs floraux entrelacés de filets dorés". Alors qu'il cherche un livre, quelques détails attirent son attention : un garçonnet blond, un grand bol de fruits, un chat ronronnant, deux femmes bavardant de tout et de rien... Après le repas, notre homme, toujours en quête de tranquillité, se retrouve dans une chambre où il espère pouvoir sommeiller un peu. C'est ne pas compter sur une femme qui s'endort à côté de lui, sans même l'avoir vu. Il part alors prendre un café, mais quelque chose ne tourne pas rond. Un peu comme dans un film de David Lynch. Surtout, lorsque, quelques pages plus loin, ce même individu tombe sur un manuscrit, à l'écriture proche de la sienne : une "sorte de récit" dans lequel "le narrateur, ombre égarée, déambulait à travers une vaste maison aux pièces résonnant du rire de petits enfants".
En attendant la parution de son essai consacré à Francis Bacon (le 7 octobre à L'Arbalète), Jonathan Littell signe avec En pièces un microroman, dans la lignée de ses deux précédents opuscules publiés chez Fata Morgana. A la manière d'un Robbe-Grillet ou d'un Borges, l'auteur des Bienveillantes a construit une histoire labyrinthique sur les sens et l'identité, mise en lumière par une écriture tout en précision et une utilisation singulière des adjectifs, "comme une image vue à travers une paroi de verre". Fascinant.