Alexandra David-Néel
Auprès du Dalaï-Lama
Darjeeling est la fin d’un monde. Le chemin de fer s’arrête là. Après, c’est la jungle, un peu civilisée par quelques routes tracées à travers les bois et quelques ponts jetés sur les torrents, mais que l’on ne parcourt qu’à cheval ou en «dandie», sorte de chaise emmanchée d’une longue perche à chaque bout que quatre coolies, deux devant, deux à l’arrière, marchant à la file, transportent sur leurs épaules. Une cinquantaine de kilomètres de bois, une vallée torride et fiévreuse à parcourir de cette façon suffisent à établir une barrière entre Kalimpong et la vie anglo-hindoue qui s’est juchée à Darjeeling.
C’est dans ce village que le Dalaï-Lama a passé près de cinq mois dans l’attente, l’espoir, l’anxiété – si ces agitations des simples mortels ont prise sur lui – regardant, des fenêtres, le chemin étroit et pierreux passant devant son seuil, humble sentier rural, qui est la grande route du Thibet.
Le “Mishima Maru” quitte le 14 août 1911 le port de Marseille avec à son bord l’orientaliste Alexandra David-Néel qui ne retrouvera son mari que quatorze ans plus tard, après lui avoir annoncé un voyage de quelques mois… Convaincue que la recherche vivante ne peut se faire qu’au contact direct des détenteurs de la Connaissance, ses pas la guideront à deux reprises vers le “Grand Treizième”, souverain alors en exil. Telle Don Quichotte parti chercher aventure – au prix d’éreintantes chevauchées et chemins extravagants – elle se lance à l’assaut des pentes de l’Himalaya méridional : bardée de recommandations officielles, son engagement et ses références nombreuses piqueront la curiosité de Thabten Gyatso, XIIIe Dalaï-Lama qui n’avait jusqu’alors jamais accordé d’audience à une femme occidentale. Le dense récit de 1912 (l’un de ses tout premiers) de cette seconde rencontre, dans le village d’Ari au sud du Sikkim, d’entre deux mondes, en trace les frontières autant qu’il en dessine les terres communes.
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700 exemplaires sur vélin du Sikkim.
14 euros.